Nomadland de Jessica Bruder

Je suis plutôt une lectrice de romans mais, ces derniers temps, je me surprends à lire des récits, des livres documentaires avec un plaisir accru. Et voici un coup de cœur. Pendant trois ans, Jessica Bruder a suivi la vie d’américains qui se croyaient à l’abri, souvent à la retraite, chassés de leurs logements en raison de la crise des subprimes. Ils ont perdu toutes leurs économies, alors ils vivent dans leur voiture, dans leur van, aménagés en maison. Ils partent sur les routes et trouvent de petits boulots saisonniers dont personne ne veut tant ils sont éprouvants. Cela devient une manière de survivre et de vivre. Plutôt solitaires, ils forment une tribu qui s’épaule, ils échangent sur des forums, se donnent des trucs pour ne pas se faire repérer, échangent sur les lieux où ils peuvent se poser un temps. Ils se retrouvent pour des rassemblements, partagent quelques moments avant de repartir sur les routes. Jessica Bruder a partagé leur quotidien, s’est liée d’amitié. Nous parcourons avec elle les États-Unis des abandonnés, nous entrons dans les entrepôts d’Amazon, dans les parcs d’attraction qui procurent des jobs au rythme difficile à tenir. Malgré tout ce qui leur arrive, ils se battent, conservent leur dignité. On s’attache à ces personnes obligées de travailler dur, épris de liberté. Un beau récit sur des gens qui supportent les coups durs, sans baisser la garde, en marge d’un rêve américain plus qu’effrité.

J’ai lu – 416p.

 

« En 2010, bien avant d’entamer sa vie nomade, Linda May était seule le jour de Thanksgiving dans son mobile home à New River, Arizona. A soixante ans, elle n’avait ni électricité ni eau courante car cela lui coûtait trop cher. Elle ne trouvait pas de travail et ne touchait plus ses indemnités de chômage. La famille de sa fille aînée, chez qui elle avait vécu plusieurs années en enchaînant une série de boulots mal payés, venait d’emménager dans un appartement plus petit. Avec trois chambres à coucher pour six personnes, ils n’avaient plus de place pour l’accueillir. Elle était coincée là, dans son mobile home, privée de lumière et de perspectives. »

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