Buveurs de vent de Frank Bouysse

On y entre lentement mais sûrement dans ce livre qui nous entraine au fond du Gour Noir dans le Massif central. Une ville entière est sous la coupe de Joyce, détenteur de la centrale électrique. Un monde rural, dur dont personne ne part. Pourtant quatre frères et sœurs, soudés, tentent de se libérer de l’emprise d’une famille de taiseux qui se délite. Mabel la rebelle, Marc épris de livres, Matthieu défenseur de la nature, Lucas le petit dernier qui voit tout. Il y a aussi le grand-père Elie, la mère Martha et le père Martin incapables de montrer leurs sentiments, Gobo le marin qui a tant voyagé… Frank Bouysse dépeint avec justesse et noirceur de beaux personnages qui se débattent chacun dans leur solitude. Il dresse le portrait d’un monde sans beaucoup d’espoir, d’un avenir sombre tout en s’attachant à chacun de ces enfants, ces hommes et ces femmes Entre western à l’américaine sudiste, roman noir, drame familial et chronique paysanne, le roman explore les racines des gens qui n’ont nulle part où aller, qui sont liés à leur région, le Gour Noir, tout en révélant leurs rêves de révolte et leurs déceptions. Un beau roman au souffle tragique.

Albin Michel, 396 p

« On embrasse, on acclimate, on déraisonne, on raccommode, on s’accommode, on marchande, on saisit, on repousse, on ment, on fait ce que l’on peut, et on finit par croire que l’on peut. On veut faire croire aux hommes que le temps s’écoule d’un point à un autre, de la naissance à la mort. Ce n’est pas vrai. Le temps est un tourbillon dans lequel on entre, sans jamais vraiment s’éloigner du cœur qu’est l’enfance, et quand les illusions disparaissent, que les muscles viennent à faiblir, que les os se fragilisent, il n’y a plus de raison de ne pas se laisser emporter en ce lieu où les souvenirs apparaissent comme les ombres portées d’une réalité évanouie, car seules ces ombres nous guident sur cette terre. »

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